Samedi 28 juin 2003 (Texte perdu puis retrouvé) Le nez de Saint-Louis Étendue mollement dans mon lit ébouriffé, une pensée soudaine m'éveilla. Je sursautai. Pour me calmer, je portai à mes lèvres un verre de Chardonnays, car il n'était pas courant qu'une pensée me traverse, car il n'était pas évident qu'une pensée naisse. Je digérais sec la transparence jaunâtre tandis que la pensée en moi s'accentuait : il était urgent que je coure et saute au dehors, pieds nus dans la fosse. Je me levai, m'habillai fébrilement, buvai un café délavé et dévalai l'escalier de velours. Une fois dans la rue Saint-Honoré, je ressentis l'urgent sentiment de vider les lieux car mes pieds nus et ma robe fourbue dérangeaient la tranquillité ordonnée des passants anorexiques : l'objet non identifié que j'étais déshonorait la Sainte rue et provoquait nombre de regards indiscrets. Je fuyais, mon corps perlé d'été se faufilait dans le métro, puis s'insérait dans ses wagons cahotants… Ma vision passive se berçait des traînées colorées qui glissaient sur les quais… silhouettes désincarnées… roulis cassés et reflets glacés… néons blafards… et enfin, Saint-Paul. Je m'extirpais du strapontin moite et grinçant, plongeais dans le souterrain graisseux puis remontais vers la lumière aveuglante… j'atteignais les bords de la Seine… Saint-Paul, mon quartier dans lequel j'habitais autrefois, ma terre à moi, dont le nez humide aux vieilles pierres souffre des caresses du fleuve convulsif. Pieds nus je m'allongeai sur les pavés secs, puis m'étiolai dans une lente profanation de mes sens, inconsciente des dangers hormonaux qui glaçaient les bancs. Les pigeons volaient. Je m'étourdissais dans le ciel quand furtivement un être s'étendit à mes côtés… Son silence comme un étang dit quelques soupirs, frôla mon corps, son silence dura longtemps. Nous restâmes ainsi allongés, côte à côte, face contre ciel, des heures durant. À l'intérieur de sa chair muette, j'entendais ses pensées bourdonner. Pas une seule fois nous ne nous tournâmes l'un vers l'autre. Du coin de mon œil curieux, j'extorquai à cet inconnu des bribes de tee-shirt bleu électrique, des bouts de son bras tranquille au duvet dansant comme feu follet dans la brise. Mais de son visage, je ne sus rien, de son être, je connus juste le tremblement de la peau, son silence lourd et respectueux, sa présence tenace qui sans rien dire, fit monter le désir. Passé - futur - Accueil - Archives - musique - © HACH 2003
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